Habib Bamogo : « C'est le moment »

Après avoir été longtemps contraint de renoncer à la sélection nationale du Burkina Faso, son pays, estimant qu'il n'était pas encore prêt, Habib Bamogo veut aujourd'hui faire le grand saut. L'attaquant niçois nous explique ce choix du cœur.

- Habib Bamogo, à quand remonte votre décision de porter le maillot du Burkina Faso ?
Ça fait longtemps. Mais j'ai beaucoup galéré ces dernières années et ce n'était pas le moment d'aller en sélection. Quand tu es dans un club où tu n'es pas très bien, il vaut mieux se concentrer sur le club que d'ajouter d'autres problèmes. Aujourd'hui, je me sens bien car j'ai trouvé de la stabilité à Nice. Je suis mature dans ma tête et j'ai les deux pieds sur terre : je suis donc prêt. Ces dernières années, quand ça a commencé à mal se passer pour moi, peu de gens auraient misé sur moi. Là, je reviens sans faire de bruit. Je ne suis pas encore à mon meilleur niveau mais je retrouve vraiment du plaisir.

- Pourquoi êtes-vous autant attaché à défendre les couleurs du Burkina Faso ?
Parce que c'est mon pays, mes racines. Je sais aussi que ça va faire plaisir à mes parents. Ma mère a grandi en Côte d'Ivoire mais elle est burkinabè. Mais il faut aller là-bas pour comprendre. J'ai toujours suivi les résultats de la sélection nationale. L'Afrique est un continent qui m'intéresse depuis toujours et je retourne au Burkina Faso en juin chaque année.

- Avez-vous souvent vu l'équipe nationale à l'œuvre ?
Je suis allé la voir jouer une fois au stade à Ouagadougou car c'est tombé un jour où j'étais là-bas. Ça m'a fait plaisir bien sûr. Mais au-delà de l'aspect sportif, il faut surtout savoir ce que cela représente pour moi. Il y a moyen de faire quelque chose avec cette sélection au fil des années, notamment parce que de plus en plus de joueurs y vont. C'est une équipe qui s'est qualifiée haut la main pour le premier tour des éliminatoires et qui vient de battre la Guinée (Ndlr : 4-2). Ça commence vraiment à évoluer et un entraîneur européen (ndlr : Le Portugais Paolo Duarte) est arrivé. Toutes les équipes africaines ne sont pas arrivées en haut comme ça. Chacun son destin, le nôtre commence maintenant.

« L'équipe de France ? Un train est passé devant moi »

- Aviez-vous reçu un accueil particulier lors de ce match que vous évoquiez ?
Oui, même si ça remonte à deux-trois ans. Ça m'avait fait chaud au cœur. Ce sont ce genre de moments qui m'ont fait réfléchir.

- Vous a-t-on mis la pression au pays pour que vous portiez le maillot de l'équipe nationale ?
Ce n'est pas une pression mais il y a un engouement car j'ai grandi en France et pour les Burkinabè, ça représente quelque chose de spécial de me voir opter pour leur nationalité. J'y avais déjà pensé mais je tenais à faire les choses une fois prêt uniquement. Et c'est aussi pour ça que je n'en ai pas parlé avant aujourd'hui.

- Choisir le Burkina Faso signifie-t-il que vous ne pensez plus du tout à l'équipe de France ?
Non, je n'y pense plus du tout. Un train est passé devant moi à un moment et j'ai loupé le wagon. Il ne faut pas se mentir. Quand j'ai quitté Montpellier pour Marseille, il aurait pu se passer quelque chose. Je recevais régulièrement les pré-convocations mais ça ne s'est jamais fait finalement.

« Il ne faut pas cracher dans la soupe »

- Quels souvenirs conserverez-vous de vos années en Espoirs ?
J'en garde un très bon souvenir. Nous avions un bon groupe et de très bons joueurs. La preuve : aujourd'hui, plusieurs de ces joueurs sont en A, comme Evra et Toulalan. Nous avions vraiment bien rigolé et passé de bons moments. Dommage qu'il y ait eu ce match de merde contre le Portugal où il s'est passé des choses qui nous ont empêchés malheureusement d'aller plus loin (ndlr : La France s'était faite éliminer en huitièmes de finale de l'Euro après un match houleux et à l'issue duquel les Portugais avaient refusé de se soumettre au contrôle antidopage). Mais nous avions vraiment une génération très respectueuse avec beaucoup de talent.

- Pensiez-vous à l'époque faire tout de suite le grand saut en A ?
Non car à l'époque, l'équipe de France était comme un rêve. Ce n'était pas la même chose qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, dès qu'un joueur fait un bon truc, il arrive trop facilement en A. Pour nous, ce n'était pas comme ça. Même si nous étions bons, nous ne pensions jamais de la vie être appelés. L'équipe de France, c'était vraiment un prestige de fou ! Entre nous, nous ne parlions jamais des A. Pourtant, nous faisions tout avec eux cette année-là, notamment les voyages. Mais nous respections trop cette équipe pour imaginer quoi que ce soit. C'est pour ça que je n'ai jamais rien attendu de spécial, même si on espère toujours, bien sûr. Mais je n'ai jamais été déçu de ne pas être appelé. Je vis l'instant présent. Je ne me projette pas dans le futur.

- Quelle importance accordez-vous à la France par rapport à celle qui vous lie au Burkina Faso ?
Nous sommes une génération dans un cas de figure un peu bizarre car nous sommes nés en France et nous avons nos racines ailleurs. Donc parfois, tu es un peu partagé. Mais je suis né en France, j'ai tout appris ici, je suis allé dans les centres de formation français et c'est grâce à ça que j'en suis là aujourd'hui. Donc il ne faut pas cracher dans soupe. La France m'a énormément apporté et continue de m'apporter tous les jours. Maintenant, si je peux aider mon pays à se développer sur le plan footballistique, je ne vais pas me gêner. Mais la France représentera toujours beaucoup de choses pour moi.

Aurélien CANOT
Football365